Jeudi 30 août, Sarkozy s'est vraiment surpassé. Il avait déjà pris des mesures ubuesques (le bouclier fiscal, par exemple) et fait des déclarations insensées (celle sur la pédophilie qui serait due à un facteur génétique, par exemple), mais là, il aura du mal à faire pire.
Il a déclaré lors de l'université d'été du Medef, à laquelle il a participé (au mépris de l'impartialité théorique du chef de l'Etat) : "La pénalisation de notre droit des affaires est une grave erreur, je veux y mettre un terme". Il a réitéré hier lors du bicentenaire du code du Commerce au Tribunal de Commerce de Paris : "la pénalisation à outrance de notre droit des affaires est une grave erreur (...) Je veux y mettre un terme". Pour lui, le sujet "ne prête pas à polémique" (je ne savais pas que le pouvoir du président s'était accru au point qu'il puisse décider des sujets de polémique). Il a développé son propos : "Qu'est-ce qui justifie que lorsqu'il existe des sanctions prononcées par l'administration ou par une autorité de régulation, viennent s'y ajouter des sanctions prononcées par des juridictions pénales ?"
Examinons un peu les délits financiers dont il pourrait être question :
-Détournement de fond
-Faillite frauduleuse
-Abus de bien social
-Financement illégal de parti politique (tiens donc...)
-Délit d'initié
-Corruption
-Fraude fiscale
-Contrebande
Sarkozy veut donc dépénaliser tout ou partie de ces délits. Mais à quel titre ? Le droit pénal est là pour protéger la société contre les comportements délibérés qui pourraient lui nuire. Il est clair que les délits énumérés ci-dessus entrent en plein dans cette définition. Une précision : la délinquance financièrea elle seule génère plus de la moitié du "chiffre d'afaire" criminel de la France. C'est loin d'être un phénomène négligeable.
D'après le président, il faudrait que seules les juridictions civiles soient compétentes pour ses infractions. Rappellons que les juridictions civiles n'ont pas la possibilité de demander d'investigation et que c'est au demandeur (la victime) de prouver la réalité des faits. Actuellement, elles attendent la conclusion des juridictions pénales et statuent en fonction de ces conclusions. Les investigations sont donc menées par le parquet (le parquet de Paris a une cellule financière exprès pour ça, qui risque donc de disparaître), qui peut requérir la police, la gendarmerie, les douanes, l'inspection des impôts, l'inspection du travail, la DRIRE, etc. Apporter la preuve risque donc d'être dans la plupart des cas tout simplement impossible. Exemple : un salarié licencié économique (la victime), parce que l'entreprise a été sapée par un abus de bien social ou un détournement de fond, n'a absolument pas les moyens d'apporter la preuve de ces faits. Et sera donc tout simplement débouté. La réforme va donc conduire de fait à une autorisation de tous ces délits. La magouille légalisée et autorisée.
Les délits financiers ne sont pas des crimes sans victimes ! Les salariés, les concurrents, l'Etat, les clients, les fournisseurs, les actionnaires et les créanciers (les banques, mais aussi souvent la Sécurité Sociale) de l'entreprise sont les victimes ! Nous sommes tous concernés, et c'est nous qui réglerons l'ardoise à la fin.
Pour éclairer complètement la scène, il faut préciser que la législation française sur le droit des affaires est déjà l'une des plus laxistes parmi les pays de l'OCDE, et qu'elle est qui plus est appliquée de manière très "souple" (environ 2000 cas pour toute l'année 2006). On cherche donc vainement "l'outrance" donc parle Sarkozy...
On ne peut qu'être frappé par le changement de discours de Sarkozy, qui se veut le chantre de la "tolérance zéro" quand il s'agit des pauvres, mais veut permettre aux plus riches de nuire à la société en toute impunité.
On ne va pas se mentir : la collusion entre le pouvoir politique et le milieu des affaires devient manifeste, surtout qu'il n'y avait déjà pas beaucoup de place pour le doute si on examine les fréquentations du président, et notamment les personnes qui financent ses vacances. L'immoralité est au pouvoir. Vous avez dit "prévarication" ?
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